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CRÉATION ET RECHERCHE

Locus Sonus ouvre un champ de recherche sur les territoires de la création associés aux développements dans les domaines de l’audio en espace et en réseau. Cette investigation engage le croisement de plusieurs points de vue : celui technologique à propos d’expérimentations artistiques sur les outils et systèmes de communication en plein développement aujourd’hui, celui artistique par l’interrogation des formes artistiques et de leur adresse publique ; et, en conséquence, celui des évolutions de l’espace de création et social engendrées par celles des espaces sonores et technologiques.


Les premiers projets du laboratoire 1 ont été développés et réalisés à partir d'expérimentations des techniques de streaming (lecture en continu de media sur les réseaux) engageant les problématiques liées aux pratiques des flux en espace et en réseau 2. Cela a été le sujet principal des symposiums « Audio Géo » et « Audio Sites » en 2005 et 2006, et du lancement du partenariat privilégié que depuis nous menons avec le laboratoire de sociologie CNRS/LAMES 3. Ce dernier s’intéresse aux modifications créées par les technologies dans la production artistique et aux modalités selon lesquelles le public répond à ces modifications. Il faut comprendre que les articulations et les déplacements entre les objets de recherche au sein du laboratoire s’effectuent dans le fil des travaux menés, en interlocution avec les domaines de recherche associés. Au travers des programmes Audio Extranautes, Audio Urbain et étendu, Audio Ambiances (Art sonore, Ambiances urbaines et Prise de place publique) 4 lancés depuis 2007/2008, deux axes constituent notre recherche actuelle et nos réalisations en cours : 'Field Spatialization 5 et Networked Sonic Spaces' (Espaces Sonores en Réseau) Lab.fr.


Cette recherche est basée sur la création d'un corpus artistique et technique et sur une méthodologie dirigée par la pratique et orientée sur la réalisation artistique publique (expérimentation contrôlée). Notre proposition s’appuie sur une mise à jour d’un champ expérimental situé aux intersections et dans les apports respectifs des domaines artistiques plastiques et musicaux.



LE LABORATOIRE, FORME COLLECTIVE DE RECHERCHE

Un des facteurs importants voire constitutifs du laboratoire Locus Sonus concerne les aspects collectifs et de collaboration. Nous observons que, d’une part, ceux-ci sont inhérents à la plupart des pratiques audio émergentes, qu’elles soient directement liées à Internet ou non, et que, d’autre part, ils déterminent les conditions des enjeux qui nécessitent de travailler à plusieurs sous des formes collaboratives. Dans ce sens, la dénomination pratique que nous avons choisie, laboratoire, se réfère à l’activité d’un groupe ou unité de recherche qui interroge continuellement et collectivement les objets qu’il engage.


Le laboratoire existe s’il propose un espace de travail, d’expérimentation, de réalisation et de développement qu’il serait impossible de mener seul dans le cadre des modalités d’un travail artistique personnel en analogie avec ce qui se passe habituellement, et ceci au-delà de la disponibilité d’un espace privilégié tel que les postdiplômes actuels dans les Écoles d’art, et au-delà aussi de la collaboration professionnelle à un projet commun. Le dispositif laboratoire vient compléter ces formes existantes.


Ainsi, depuis sa création, Locus Sonus accueille un petit nombre d'artistes-chercheurs postmaster qui constituent — avec les membres permanents — l'équipe de recherche. Les provenances des membres du laboratoire sont plurielles : le groupe de recherche est accessible à tout jeune artiste ou chercheur d’un niveau postmaster quel que soit son cursus, national ou international, et selon des profils requis vis-à-vis des programmes menés : artiste, développeur, etc. Il apparaît ainsi que le développement de la recherche au sein d’une unité demande une assise sur des méthodologies reconnaissables et « partageables » par et avec d’autres, qui dépasse la seule proposition d’un projet artistique personnel qui correspondrait plus adéquatement à une réalisation dans d’autres cadres de production que ceux de la recherche. Cette équipe travaille ensemble tout au long de l’année à partir de méthologies communes et croisées, sans ignorer les initiatives individuelles qui en retour viennent repositionner le laboratoire et mettent à jour des problématiques commensales.

Locus Sonus est nomade, mutualisé sur deux institutions d’enseignement artistique distantes de deux cents kilomètres l’une de l’autre, trajet que l’équipe parcourt régulièrement pour des sessions de travail en commun sur ces deux lieux et également pour des périodes de développement et de réalisation dans des structures partenaires.


Les programmes du laboratoire sont soutenus par des financements obtenus par des candidatures à des appels d’offre liés à des contrats de recherche : les crédits-recherche de la DAP (Délégation aux Arts Plastiques) sur les trois premières années, l’accord-cadre CNRS / ministère de la Culture depuis 2007, et nos demandes, en 2008, auprès de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) et de l’Europe. En parallèle nous participons avec les Écoles d’art d’Aix et de Nice aux programmes franco-américains de partenariat universitaire FACE (2005-2008) et puf (depuis 2008) 6 qui nous associent à la School of the Art Institute of Chicago (SAIC), notamment en ce qui concerne l’expérimentation et le développement avec les espaces virtuels sonores 7. Par ailleurs, les projets de réalisation sont produits ou co-produits par des structures de diffusion et par l’obtention d’aides aux projets.


Le laboratoire propose des processus de travail, de recherche et de réalisation qui combinent :

  • l'expérimentation pratique dite « contrôlée », dans le sens où les productions du laboratoire sont de l’ordre de la réalisation artistique à partir d’une hypothèse mise en commun (ou d’une série d’hypothèses). Cette dernière est centrée sur un ou des problèmes issus d’instabilités ou de désajustements décelés, d’ordre pratique, technique et de l’ordre de questionnements de régimes de perception, d’attention et de formes. Ces expérimentations continues donnent lieu à des réalisations artistiques publiques qui rendent lisibles ou « problématisent » des éléments des contextes environnants qu’ils soient technologiques, techniques, sociaux, etc., tout en réhaussant les éléments inhérents à la pratique artistique (esthétique, place du public, etc.) ;.
  • et l'évaluation critique en interrogeant collectivement les espaces sonores selon les deux axes référentiels du laboratoire — audio en espace, audio en réseau — par l’apport et le va-et-vient des questions avec des domaines scientifiques impliqués ou voisins (principalement en sciences humaines : sociologie, esthétique, etc.) 8 par coévaluation, cocréation (essaimage de questions et feedbacks permanents) et par un mode continu d’alternance au sein du laboratoire entre expérimentation et publication (études, réalisations, articles, etc.). Ces échanges se concrétisent par la réalisation de symposiums annuels : Audio Géo (2005), Audio Sites (2006), Audio Extranautes (2007/2008), etc.

La question de l'évaluation « scientifique » prend en compte cette dimension collective du laboratoire en tant que base ferme de la recherche commune. Autant l’artiste-chercheur est amené à s'inscrire dans le laboratoire au vu des compétences et des expertises qu'il ou elle amène à l'équipe de recherche (par les appels à candidature et à recrutement), autant il ou elle est en même temps sollicité(e) pour contribuer à la construction et au développement de la recherche et à se situer individuellement dans ce cadre, en rendant significatifs les écarts, les mobilités et les conjonctions entre les apports et projets personnels et l'élaboration collective. L'identification de cette échelle est le moteur même du laboratoire.

En conséquence de la spécialisation du postdiplôme / unité de recherche, Locus Sonus organise en commun avec les Écoles d'Art des modes de transmission vers les cursus 1er et 2nd cycles. Les formes pédagogiques de type workshop, séminaire et conférence permettent de travailler en commun avec les enseignants et de diffuser les résultats et les étapes expérimentales de la recherche. Ces initiatives sont menées actuellement avec les Écoles d'Art d'Aix et de Nice, mais aussi avec d'autres structures qui sollicitent Locus Sonus (ENSA de Bourges en 2007, Le Fresnoy et l'ESA de Grenoble en 2008, ESA de Genève et de Mulhouse en 2009, à titre d'exemples). Ces activités sont menées par les membres chercheurs du laboratoire ou par des chercheurs externes avec lesquels nous collaborons. Dans ce sens, Locus Sonus prend un rôle d'expertise. De même, les chercheurs Locus Sonus sont amenés à participer à des activités (ateliers et workshops) menés par les enseignants des Écoles d'Art, selon un principe de mise en communs de compétences.

IDENTIFICATION DE LA RECHERCHE EN ART

La mise en place du laboratoire et des dialogues transdisciplinaires ont pris en compte les questions de la différentiation et de l’identification de la « recherche en art » 9 et de la recherche sur l’art. L’originalité de la construction de Locus Sonus peut tenir en plusieurs points :

  • l’initiation du projet par deux artistes-enseignants « en son » (Peter Sinclair et Jérôme Joy),
  • la mutualisation de deux établissements d’enseignement artistique et d’un troisième associé (ESBAM Marseille) ouvrant vers une mutualisation régionale sur les Écoles d'Art du Sud,
  • la volonté de fonder un lieu de spécialisation / espace de recherche, aux niveaux national et international, dans lequel sont explorées les problématiques et les questions spécifiques des pratiques artistiques tout en constituant un corpus de connaissances et de réalisations reconnaissables dans une échelle élargie,
  • la nécessité de favoriser les échanges avec les cycles d’enseignement,
  • et la relation continue avec des unités de recherche scientifiques et artistiques, afin d’innerver tout un réseau d'articulations et d'interlocutions avec d'autres domaines.


Ce sont, nous semble-t-il, des conditions nécessaires pour l'ouverture d'un espace commun de recherche, de débat, d'investigation, et de transmission d'états en mouvement.


L’initiation de la recherche au sein de Locus Sonus est issue d’un point de convergence entre des problématiques et des pratiques résultant de nos travaux respectifs (en tant qu’artistes et enseignants) et celles d'un espace commun d'expérimentation et de réalisation artistique. Cette investigation participe à la mise à jour, essentielle dans le débat actuel, des enjeux de la recherche en art 10. Ce qu'il faut entendre par recherche en art est fondé sur — et impliqué dans — la pratique artistique. Ses rendus et publications sont de l'ordre de la réalisation artistique articulée à des questions théoriques et sur des méthodologies contrôlées. Il ne s'agit pas de vérifier des concepts ou des théories, mais d'ouvrir des espaces critiques à partir d'objets qui semblent stables ou fixes dans un champ en transformation et qui sont précisés dans un domaine de pratiques (ici sonores).


Si la recherche en art nous paraît essentielle, c'est parce qu'il semblerait préjudiciable que, d'une part, des objets fûssent exclusifs au domaine de l'art et que, d'autre part, certains d'entre eux, issus de l'art ou dont les artistes doivent s’emparer, soient confisqués ou « résolus » par d'autres domaines. Poser des questions et simultanément les éprouver artistiquement et techniquement — d'autant plus que nous signifions qu'il est important de faire ceci ensemble —, est nécessaire car il s'agit avant tout d'un lieu de pratiques initiant et construisant un corpus critique, dans une dimension et une échelle adéquates à son expression et dans une actualité questionnée, là où les interrogations contemporaines perçoivent des déplacements, des désajustements et des controverses.


Ceci demande une nouvelle lecture de la relation continue entre recherche personnelle artistique et recherche collective en art 11 — nous avons remarqué à ce propos que l’activité de recherche en art stimule de manière aigüe et pérenne le travail artistique individuel. Spécialiser (et préciser) c'est aussi affirmer le point d'où l'on parle, d'où l'on pratique, c'est créer un lieu d'interlocutions (les espaces de recherche dans les Écoles d’art), ce qui nous semble primordial. De tels dispositifs répondent à une incitation artistique et pédagogique — dans le sens de la transmission — animant des espaces réels d'interrogation des pratiques, des processus d'élaboration et de fabrication, et des modes de conceptualisation et de pensée.


L'exploration est à continuer pour aider à distinguer les formes multiples de la recherche en art sans les subordonner à celles de la recherche sur l'art 12, et sans les plier aux formes pédagogiques existantes dans le cursus ou à celles présentes de manière récursive dans les postdiplômes des Écoles d'art (adoptant le modèle résidence/création/exposition).

La recherche et la création sont la destination des Écoles d’art : interroger et amplifier leurs croisements, leurs tensions et leurs articulations constructives au sein de ces lieux d’enseignements, qui restent mobiles, mobilisés et des socles énergiques, permet de discerner l’enjeu crucial qui s’y joue. Ainsi les Écoles d’art sont des cadres initiateurs de la recherche en art et des lieux expérimentaux de la création.




Notes :

1 Locustream (réseau de micros ouverts et dispositifs d’écoute innervés par ce réseau), Wimicam (instrument microphonique de performance).

2 Interactions à distance, local/remote, sympathies, résonances, mixed realities, ainsi que toute la réflexion menée par Jean Cristofol, épistémologue et enseignant à l’ESA d’Aix en Provence, concernant les modalités des flux et du temps réel.

3 Laboratoire Méditerranéen de Sociologie dirigé par Samuel Bordreuil et basé à Aix en Provence.

4 Ces deux derniers programmes ouvrant de nouvelles collaborations avec le CRESSON, laboratoire CNRS et centre de recherche sur l'espace sonore et l'environnement urbain, basé à Grenoble, http://www.cresson.archi.fr/ , avec Telecom Paristech et le Laboratoire de Usages à Sophia-Antipolis.

5 Terme que nous avons adopté qui combine la notion de field recording (enregistrement ambulatoire, sur le terrain) avec la notion de spatialisation plus généralement liée à un dispositif fixe dans un espace intérieur (électroacoustique). Une traduction littérale serait « spatialisation de terrains ». Les problématiques qui s’ouvrent avec cette notion de Field Spatialization permettent de mieux interroger et discerner les dimensions impliquées dans les pratiques sonores d’espace et en réseau. Elle met à jour un séquencement des mises en espace articulées à des distances et des terrains : de la diffusion sur haut-parleurs dans un espace local à celle sur haut-parleurs HF dans un périmètre plus large (outdoor), au streaming entre des espaces disjoints et distants, jusqu’à des innervations de diffusions et d’acoustiques entre espaces physiques et espaces virtuels.

6 FACE: French American Cultural Exchange – puf : Partner University Fund. Programmes portés par une Fondation américaine et par les Services Culturels de l’Ambassade de France aux États-Unis et soutenus par des contributions privées et publiques. http://www.facecouncil.org/education/partenariatuniversitaire.html

7 Il s’agit des projets LS in SL (2007/2008) et New Atlantis (2008/…) développés en commun par Locus Sonus et SAIC.

8 avec nos partenaires et avec l’Observatoire des Pratiques Sonores (Sonotorium) porté par Locus Sonus et développé par Bastien Gallet, Christophe Kihm et Philippe Franck qui sont impliqués dans le laboratoire depuis son début.

9 Pour faire la distinction avec la recherche sur l’art, qui de son côté est un domaine mature et identifié, tout-à-fait compatible bien entendu avec la recherche en art.

10 Assises Nationales des Écoles supérieures d’Art, Rennes, les 6 et 7 avril 2006, et les actes publiés de ces assises. Colloque “Chercher sa recherche : pratiques et perspectives de la recherche en écoles supérieures d’art”, Nancy, décembre 2005.

11 Suite aux nombreux textes d’études sur la recherche dans les pratiques et les enseignements artistiques, publiés sous l’égide de la DAP, par Jacques Imbert, Richard Conte, Michel Métayer, Jean Da Silva, Balbino Bautista, Antoine Desjardins, Bernard Guelton, Jean Cristofol, Hubertus von Amelunxen, Dominique Chateau, Jean Lancri, etc. http://www.agglo.info/Documentation-textes

12 Il n'y a aucune raison d'imaginer que la recherche en art dût ressembler (dans les méthodologies, les formes d'investigation et les modes d'évaluation) à la recherche universitaire et aux modes de production dans le marché de l’art, et il n'y a aucune raison non plus de les adosser contradictoirement ou de les opposer systématiquement.